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Lettre d'information
                                Réseau Risques et Impacts Industriels
Mai 2018 // n° 36
Édito

L’autorisation des installations industrielles… un enterrement de première classe

 
L’Etat se désengage de son devoir de contrôle des installations polluantes, il généralise le régime Enregistrement et élargit celui de la déclaration. En effet, la déclaration ne fait pas l’objet d’une instruction, et l’enregistrement fait l’objet d’une instruction accélérée par les services préfectoraux, sans étude d’impact et en limitant la concertation. Le rôle du CODERST est lui réduit à peau de chagrin. Le texte examiné, au dernier CSPRT, propose de supprimer certaines rubriques, sans présenter les raisons de cette suppression. Dans ce même texte, la généralisation du régime d’Enregistrement se fait au seul motif que le droit européen ne contraint pas la France à procéder à des évaluations environnementales et techniques. L’Etat avait jusqu’ici toujours fait l’effort de trouver des justifications techniques au relèvement des seuils. Maintenant il ne cherche plus d’argument et se réfère à un seul « La procédure d’autorisation est remplacée par le régime de l’enregistrement ou de la déclaration, dès lors que la procédure d’autorisation n’est pas requise par une directive européenne ».
Une diminution drastique du régime autorisation pour répondre à la simplification administrative, un affaiblissement de l’encadrement des ICPE, finalement qu’en est-il du principe de non régression du droit de l’environnement inscrit dans le Code de l’environnement ?  Ce qui est sûr c’est que ce mouvement va à l’encontre de la protection de l’environnement et de la participation des citoyens
Ginette VASTEL, Co-pilote du réseau
 
L'actu du réseau

Un an de présidence Macron : le droit des industries en piteux état

 
Si vous lisez de manière assidue cette lettre d’information (j’en suis sûre), vous avez dû vous apercevoir que nous dénoncions fréquemment le démantèlement du régime ICPE sous couvert de simplification. Ce mouvement n’a pas commencé au début de la présidence d’Emmanuel Macron, mais en réalité, quelques temps avant. Sans évoquer le régime Enregistrement, nous passerons directement à la création de l’Autorisation Unique Environnementale, entrée en vigueur au 1er mars 2017 après une expérimentation expresse à la méthodologie hasardeuse (voir le rapport du CGEDD sur l’évaluation de la simplification) généralisée à la hâte. Cette expérimentation a été créée par la loi….Macron, lors du quinquennat précédent ! Si l’objectif est louable, elle s’inscrit un mouvement de nivellement par le bas sous couvert de relance économique. Voici en quelques lignes effets de cette libéralisation sur l’encadrement des installations classées.
 
Régression du droit des installations classées et retour de l’opacité pré-AZF;
 
L’adoption de l’instruction du 6 novembre 2017 visant à hiérarchiser les types d’informations industrielles disponibles en fonction de leur sensibilité marque un retour en arrière sans précédent en matière de droit à l’information. Des associations qui sont en relation avec les services de l’inspection des DREAL depuis des années, dans un rapport de confiance, se heurtent aux difficultés d’accès aux documents administratifs (arrêtés préfectoraux, rapports d’inspections, fiches d’écart) qu’ils rencontraient avant la catastrophe d’AZF. Cela nuit à leur capacité à mener à bien leur mission d’intérêt général, et replonge les riverains dans une opacité qui altère la culture du risque qu’ils pouvaient avoir.
L’application de l’instruction du 6 novembre 2017 connaît des dérives et les associations n’ont plus accès à des informations précieuses dans l’exercice de leur activité, et doivent signer des clauses de confidentialité qui outrepassent le seul champ d’application de l’instruction. FNE tire la sonnette d’alarme sur ce point.
 
La généralisation du régime enregistrement  pour les ICPE est très inquiétant car ce régime sous couvert de simplification fait l’impasse sur des aspects essentiels des projets et installations industrielles : l’évaluation de son impact sur l’environnement, et la concertation avec le public.
En effet, ce régime intègre des installations jusqu’ici soumises à autorisation, et donc considérées comme dangereuses pour l’environnement et les riverains. Le contrôle de l’Etat étant nécessaire pour minimiser les impacts. Or avec le projet de décret “projets éoliens et diverses simplification du droit “ ce régime relève désormais du principe du “silence vaut accord”. cela signifie qu’un élevage de 1999 porcs pourra s’implanter sans avoir évalué son impact sur l’environnement, sans avoir consulté les riverains, et sans avoir eu un accord explicite du préfet. Idem pour une laiterie traitant entre de 70 000 litres/jour, et 199 tonnes de lait par jour ! Et cela s’applique aux installations qui reçoivent des déchets non dangereux qui peuvent aller jusqu’à 30 000 m².
Et le texte de décret récemment mis en consultation modifie la nomenclature ICPE et élargit massivement ce régime : broyage de minéraux, élevage intensif de lapins. Nous n’allons pas dans le sens de l’amélioration du bien-être animal, ni de l’apaisement des rapports de voisinage. Ajoutons que ces installations n’ont que très peu de chance de voir un.e inspecteur.trice venir s’assurer que les prescriptions types sont bien respectées. aucune garantie n’est donc prise, ni en amont du projet ni en aval, pour que l’exploitant limite ses  impacts sur l’environnement et sur les riverains.
 
Relance minière sans réforme du Code minier. Des permis d’exploration sont délivrés en France métropolitaine comme en Guyane alors même que la réforme du Code minier est au point mort et que la Charte Mine Responsable s’est embourbée. Alors que le débat public sur la Montagne d’or actuellement en cours sera déterminant pour dessiner le projet de territoire de Guyane, c’est faire montre d’irrespect que de délivrer de nouveaux permis d’explorer. La réforme du Code minier a été annoncée dans la Feuille de Route pour l’Économie Circulaire... celle-ci serait elle la bonne?

Et pour connaitre la position de de FNE dans d’autres domaines de l’environnement, voici un peu de lecture.

Solène Demonet, coordinatrice du réseau
L'écho des régions
Total la Mède, la qualité et la quantité d’huile de Palme en question
 
Au bord de l'étang de Berre, dans sa raffinerie de La Mède, la société Total va pouvoir, en application de l'arrêté préfectoral qui vient d'être délivré, importer en France une quantité d'huile de palme qui multiplierait par 4 les importations françaises actuelles de cette huile. (1)
Pourtant, l'utilisation de l'huile de palme, bien que dite durable «  n'est pas une garantie suffisante (…) de ne pas participer à la destruction de la forêt tropicale et à la disparition de nos plus proches parents, les grands singes » disait Nicolas Hulot en 2015 (2). Cette position fut d'ailleurs confortée par un  rapport de 2016 de la Cour des Comptes européenne estimant que « le système de certification de la durabilité des biocarburants de l’Union européenne n’est pas totalement fiable en raison de faiblesses dans la procédure de reconnaissance de la Commission, et dans la supervision des régimes volontaires reconnus. » (3)
 
Cependant, malgré les différentes demandes associatives lors de l'enquête publique, malgré l'avis de l'autorité environnementale, qui avait demandé à Total "de s'engager sur la qualité environnementale des filières d'approvisionnement." le plan d'approvisionnement prévu par Total dans son dossier, à savoir  « 450 000 t/an d’huiles végétales durables, 100 000 t/an de produits issus du raffinage de l’huile de palme (PFAD), et d' huiles non-alimentaires, et 100 000 t/an d’huiles alimentaires usagées, recyclées» n'a pas pour autant été précisé en ce qui concerne l'origine des huiles, dans l'arrêté préfectoral du 16 mai dernier.
 
Pire, l'article 1.8 de l'arrêté prévoit que le plan d’approvisionnement de l’établissement, dans la limite de 650 000 t/an, est composé « au maximum, de 450 000 t/an d’huiles végétales brutes de toutes natures; au minimum, chaque année de 25 % de distillats d’acide gras, d’huiles alimentaires usagées ou graisse animale de catégorie 3. »
En effet, si le dossier initial prévoyait 100 000 t/an d'huiles usagées, celles-ci sont mêlées maintenant aux 25 % minimum de distillats d'acide gras, car moins de 20 000 t/an  de ces huiles ne seraient récupérées que d'ici à 10 ans, (4) ce qui permettrait d'augmenter au maximum les distillats d'acides gras en provenance d'huile de palme.
 
Au final, faisant fi de l'engagement de Nicolas Hulot de juillet 2017 alors qu'il présentait son plan Climat : «  Nous allons fermer une fenêtre qui donnait la possibilité aux biocarburant d’y incorporer de l’huile de palme » la décision préfectorale permet réglementairement à Total d'importer sur sa raffinerie de La Mède jusqu'à 650 000 t/an d'huile de palme, brute ou distillée !
 
Pourtant, Nicolas Hulot a bien écrit sur le site du Ministère : « j'ai obtenu en dialoguant avec Total, qui (l') a accepté, de réduire significativement les quantités d'huile de palme utilisées et de prendre des engagements très précis sur la certification de leur origine et de leur mode de production. »
Dès lors comment se fait-il que l'autorisation préfectorale ne limite pas la quantité totale annuelle d'utilisation d'huile de palme à 300 000 tonnes ? (5)
Comment se fait-il que l'autorisation préfectorale ne traduise pas ces engagements très précis sur la certification et le mode de production ?
 
Doit-on en penser, que cette reculade, liée à la position de la France farouchement opposée à la suppression de l'huile de palme (3), soit déterminée par les pressions de la Malaisie qui refuserait d'acheter nos armes ?
 
Si ce n'est pas cela, si Nicolas Hulot, Ministre d’État, conserve encore une certaine liberté d'action, il serait souhaitable qu'il fasse modifier l'arrêté préfectoral du 16 mai 2018 en y faisant inclure, en détail, les engagements de Total, la limitation maximale de toutes huiles de palme et de ses dérivés à 300 000 t/an et l'obligation de s'engager à développer une production de "bio-huiles" de 2éme génération à base de bactéries ou d'algues.
A défaut, plus personne ne pourra avoir confiance en la parole du Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire.

Jean Reynaud, FNE 13
Revue de Presse
  • Les habitants de Fos-sur-Mer sont sur-imprégnés au Plomb, aux furanes et au benzène (Actu-Environnement, 29 mai)
  • Autres articles sur la pollution à Fos sur Mer le 29 mai : Le Monde20 minutes; l'Usine Nouvelle ; France Info; ReporterreLa Croix
  • Projet d'incinérateur d'Ivry : l'enquête publique s'ouvre (actu-environnement, 23 mai)
  • Cigéo, un chiffrage mensonger qui prépare le pire des scénarios (tribune dont FNE est signataire) (Reporterre, 29 mai)
  • A Vittel, Nestlé privatise la nappe phréatique (Reporterre, 26 mai)
  • 9 personnes sur 10 respirent un air pollué dans le monde (Les Echos, 2 mai)
  • Le lotissement doit voir le jour...sur un terrain contaminé à l'amiante (Var-Matin, 24 mai)
  • Rennes : Pollué, le chantier de l'école fantome va se métarmorphoser (20 mnutes, 3 mai)
Agenda
18 octobre : Journée nationale du réseau risques industriels, Paris (plus d'informations à suivre)
 
Directeur de publication Michel DUBROMEL, président de FNE
Comité de rédaction :
Ginette VASTEL, pilote du réseau Risques et Impacts Industriels
Solène DEMONET, coordinatrice du réseau


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